Le Style sapin sur les rives du Doubs

Charles L’Eplattenier
Le Doubs, 1929
Pastel, 27 x 42.4 cm
MJ.2021.16.1
Musée jurassien d’art et d’histoire, Delémont
Facsimilé

Si le sapin est l’emblème iconique des Franches-Montagnes, alors son manifeste demeure incontestablement le Style sapin.

Ce mouvement, variante régionaliste de l’Art nouveau, a été développé dès 1905 dans le « Cours supérieur » de l’école d’arts appliqués de La Chaux-de-Fonds par celui qui fut sans aucun doute l’un de ses enseignants stars, Charles L’Eplattenier. En plus d’être particulièrement connu comme initiateur du Style sapin et pour son œuvre picturale majeure, il le fut également pour avoir été l’un des mentors du jeune futur architecte Le Corbusier.

La soif d’avant-garde et d’innovation de l’enseignant l’a poussé à découvrir les nombreuses ramifications de l’Art nouveau dans le monde entier qui se sont développées tant en Europe qu’outre Atlantique, chacune avec ses sensibilités propres, oscillant entre figuration (Belgique, France) et abstraction avant-gardiste (Allemagne, Autriche).

Au cœur de ce mouvement Art nouveau, se trouve la ligne ondulante, le retour à la nature pour seule source d’inspiration déclinée sous une multitude de formes et supports, qu’il s’agisse de créations allant de l’architecture, à l’artisanat ou au design industriel (selon l’appellation contemporaine), jusqu’aux arts plastiques.

Le Style sapin, quant à lui, prend sa source dans les reliefs locaux, dans la faune et la flore des montagnes neuchâteloises et du haut plateau des Franches-Montagnes voisin :

La base de nos études ornementales reste toujours le sapin. Cet arbre à ses différents âges, étudié dans son ensemble ou dans ses détails offre des ressources décoratives inépuisables. Le grand chardon argenté, les gentianes, etc., ainsi que notre faune jurassienne ajoutent à ces éléments des richesses considérables.[1]

Ainsi, Charles L’Eplattenier jette les bases de ce nouveau mouvement afin de pouvoir proposer une esthétique innovante dans l’air du temps qui puisse répondre aux besoins de l’industrie, en s’appliquant directement à la production industrielle de l’époque, et notamment à l’horlogerie, la décoration intérieure et l’architecture.

Ainsi, fidèle à son manifeste, son vaste corpus d’œuvres fait la part belle aux nombreuses facettes du paysage franc-montagnard. C’est notamment le cas du Doubs et de ses rivages qui occupent une place de premier choix dans son travail, tant par l’intérêt que l’artiste leur aura porté que par l’importance de leurs représentations, qu’il s’agisse de pastels, peintures ou dessins.

Ainsi, illustrant sa relation avec le Doubs sinueux, Charles L’Eplattenier aurait pu faire sienne cette citation d’Émile Gallé, son alter ego, fondateur de l’École de Nancy :

Nos racines sont au fond des bois, parmi les mousses, autour des sources[2].

[1] École d’art de La Chaux-de-Fonds, Rapport de la Commission, 1911-1912, pp. 16-17.

[2] François Le Tacon, « Émile Gallé, le fondateur de l'École de Nancy, et le monde forestier », In : Revue forestière française, vol. 51, no 6, ‎ 1999, pp. 699-725.