Carte postale de Muriaux

Passé

Édition d’art R. E. Chapallaz fils, Lausanne
Muriaux, vue générale, sans date
Retirage d’une carte postale, 9 x 14 cm
MJ.2016.46.226
Musée jurassien d’art et d’histoire,
Collection Xavier Jobin, Delémont

Présent

Julien Ogi
Sans titre, 2024
Photographie
Photo-club des Franches-Montagnes

Coghuf et Oscar Wiggli : un dialogue à établir

Coghuf et Oscar Wiggli étaient tous deux artistes d’origine suisse alémanique, installés à Muriaux, dans les années 1960, plus exactement entre 1956 et 1976. Situation rare à l’époque. Ils parlaient la même langue maternelle, mais vingt-deux ans les séparaient. Pendant les années de création du Jura, il n’était pas recommandé de parler suisse allemand sur les terres du futur canton. Se sont-ils abstenus ?

Se sont-ils connus ? Se sont-ils rencontrés ? Moins de 200 mètres séparaient la ferme-atelier de la famille Stocker de celle de Janine et Oscar Wiggli. Que pouvaient bien partager le peintre au béret basque et le sculpteur à la chevelure sauvage ? Ont-ils échangé sur leur condition d’artistes ? Se sont-ils inspirés ? Que se disaient-ils lorsqu’ils se croisaient au village ?

La tentation est trop forte d’instaurer un dialogue imaginaire entre deux artistes dont la proximité n’a pourtant et paradoxalement jamais débouché sur une collaboration.

Yves Guignard, historien de l’art s’exprime à ce sujet : « À mon avis, c'était une sorte de cohabitation sereine mais qui s'ignore. Ils n'avaient pas les mêmes intérêts tout en ayant une grande renommée l'un et l'autre. Coghuf se passionnait pour la peinture et la religion par exemple, Wiggli pour la sculpture et la musique électronique, pas beaucoup de dialogue a priori ». Propos recueillis le 6 mai 2024.

Les enfants de Coghuf, Françoise, Alain et Dominique, partagent la vision d’Yves Guignard. D’après eux, les artistes se connaissaient avant qu’Oscar Wiggli ne s’installent à Muriaux. C’est Coghuf qui aurait dit à Wiggli qu’il y avait une maison à vendre à Muriaux.

Dialogue imaginaire

Coghuf : Tu es bien installé dans ta nouvelle ferme ?

Wiggli : Oui, j’y suis au calme, c’est ce que je recherchais.

Wiggli : Je n’ai pas encore vu tes vitraux à l’église de Soubey. Tu es content du résultat ?

Coghuf : Pour moi qui suis croyant, c’est une chance d’avoir pu réaliser ces vitraux avec l'architecte Jeanne Bueche. Dans une église, l'art est à la portée de tous et cela me convient bien. Enfin, à la portée de ceux qui s’y rendent !

Wiggli : Je te vois de moins en moins partir peindre dans la nature. Tes recherches ont évolué ?

Coghuf : J’essaye de faire une peinture plus intérieure, mais rien d’abstrait pour autant.

Wiggli : Moi, j’ai fait quelques photographies expérimentales, tu veux que je te les montre ?

Coghuf : Oui pourquoi pas. Je comprends que tu changes parfois de technique, car comment fais-tu pour travailler toute la journée à l’atelier dans le bruit du métal ? Pour moi qui recherche le calme des pâturages, j’aurais du mal à supporter. Sais-tu que j’ai fait un apprentissage de ferronnier d’art au début des années 1920 ?

Wiggli : Non, je n’étais pas né ! D’ailleurs, toi, tu étais à Paris quand je suis né en 1927 ?

Coghuf : Oui, exactement ! Je te raconterai une autre fois. Mais je suis content, j’y ai bien appris le français. Tu n’as pas eu trop froid cet hiver ?

Wiggli : Mon travail de forge me tient chaud et toi avec tes pinceaux ? À ce propos, j’ai beaucoup de petites pièces assez récentes, penses-tu que nous pourrions exposer ensemble ? Tu présenterais tes peintures et moi mes sculptures.

Coghuf : Allez viens, on en discute autour d’un verre.

Dans les années 1960, une exposition commune réunissant Coghuf, un peintre bien établi, et Oscar Wiggli, un jeune sculpteur nouvellement installé, aurait pu voir le jour. Mais rien ne s’est fait dans ce sens. L’affiche n’a jamais existé !

Aline Rais Hugi, responsable de la Collection jurassienne des beaux-arts

Pour aller plus loin

Découvrez les œuvres de deux artistes dans les collections institutionnelles jurassiennes.

Le Spiegelberg Festival a consacré un épisode de sa série de podcasts à la Fondation Wiggli. Vous y entendrez Janine Wiggli.